Hep M'dame la prof ! Elle est comment votre maison ? [ A garder]

La villa se situait dans un quartier résidentiel, entourée de barrières, et d'autres villas. Pourtant, contrairement à ces imposantes constructions de pierre et de tuiles, la villa de Tomoe possédait l'étonnante caractéristique de sembler n'être construite en aucun matériau connu. En réalité, c'était un complexe assemblage de métal et de verre qui avait permis de donner cette aspect quasi aérien à la demeure autrefois lourdaude et compacte. Les travaux avaient duré un mois afin de formater la villa aux exigences de sa propriétaire. Les murs entourant la demeure avaient été remplacés par des fins panneaux de verre contre lesquels s'appuyaient et s'entrelaçaient des arbustes aux fleurs roses et blanches. La pelouse avait prise un peu de longueur et des fleurs des champs étaient apparues. Des cerisiers du Japon avaient été planté le long du chemin qui menait à la plage de sable fin.

Les murs quasi-transparent ne laissaient que peu d'intimité et celle-ci pouvait être protégée par des stores en bois exotique qui, baissés, filtraient la lumière et les regards voyeurs. La nuit, de fins rideaux volages protégeaient le sommeil des dormeurs. De toute façon, Tomoe aimait se réveiller avec la lumière, et de lourds tissus auraient certes empêcher les rayons du Soleil de se filer dans les pièces, mais auraient posé un certain problème du point de vue esthétique. Et la demeure de Tomoe Miyazaki était, du point de vue d'un artiste, un véritable chef d'œuvre.

Deux tourelles de verre s'élançaient vers le ciel, des escaliers s'entremêlant pour y accéder, des plantes s'entrelaçant aux escaliers. Elles servaient de refuge et d'atelier à la jeune femme quand l'inspiration ou l'envie d'être seule lui prenait. Si aucune fenêtre ne perçait les murs –ceux ci laissant volontairement passer la lumière- des ouvertures en haut et en bas de ceux-ci étaient pratiquées afin de laisser un léger air marin pénétrer dans la villa. Elles pouvaient bien évidemment être refermées si l'air se faisait trop frais -par un judicieux système électronique en appuyant sur quelques boutons, ou bien par une armée de domestiques motivées à le faire à la main. L'inconvénient du système résidait en le fait que les boutons se trouvaient en dessus de chaque mur, et que non seulement il fallait grimper sur un escabeau pour les atteindre, mais il n'y avait pas de bouton général, de deux à sept pour chaque mur. Heureusement, Tomoe avait sous ses hordes une dizaine de domestiques qui pouvaient s'acquitter de cette simple tâche...

Une véranda, également en verre, complétait la riche demeure, en plus de ses trois étages. Il n'y avait pas de piscine, la mer étant juste en bas ! Le rez de chaussée de la villa était uniquement réservé aux visiteurs et Tomoe n'y mettait pour ainsi dire jamais les pieds. Salons, salles de bains, chambres à coucher et salles à manger se succédaient, décorées toutes dans un style assez sobre et des couleurs plutôt froides. Le premier étage était quant à lui destiné aux logements des domestiques. En effet, pour garder propre et ordonnée sa demeure, la jeune femme employait une véritable armée de « techniciens, techniciennes de surface et autres hommes ou femmes à tout faire » . Les deux derniers étages étaient son domaine. Une large pièce mangeait la majeure partie du deuxième étage : son atelier. Un escalier d'ailleurs sortait de cette pièce pour aller jusqu'à l'une des tourelles, constituant le prolongement de l'Atelier. Cette pièce était encombrée de chevalets, toiles, tubes de peintures, croquis esquissés à la faveur du jour... Un véritable bordel, et d'ailleurs l'artiste avait interdit à ses employés d'y pénétrer, sous peine de licenciement immédiat. Un grand tableau était accroché au mur, le seul et unique portrait de Mathieu qu'elle avait conservé...

Sinon, une bibliothèque plutôt spacieuse et un bureau occupaient le reste de l'espace. Plus décorés dans un style lumineux et agréable dans des couleurs telles que le marron chocolat ou le vert anis -le vert pomme est trop fort pour nos pauvres petits yeux. Un escalier de marbre menait au dernier et troisième étage : l'espace de vie personnel de Tomoe. Cinq chambres à coucher, quatre salons, trois salles de bains, deux salles à manger, une cuisine. Sans compter la penderie et la buanderie -celle-ci se trouvant à l'étage des domestiques, l'autre n'étant pas une pièce à part entière. Pas de couloirs, qui selon la jeune femme « bouffaient la lumière ».

Oui, selon la chambre personnelle de Tomoe, on pouvait vraiment dire qu'elle était une adepte de la luminosité... Au sol du parquet clair, les murs toujours de verre. Un grand futon traditionnel et confortable était posé au milieu, une couverture prune froissée et roulée en boule -avant qu'un domestique ne passe par là pour faire le lit consciencieusement. Une multitude de livres gisaient, transpercés de part en part par des marques pages personnalisés.

Ainsi était la demeure de l'artiste, professeur d'art, endeuillée à mi-temps, Tomoe Miyazaki.

» Akira ( pour votre plus grand malheur )